Ce jeudi 16 novembre 2023, nous avons été, trois bénévoles (Florence, Geneviève et Corinne) et trois réfugiés (H, S et U), au sein du lycée agricole de Bonnefont, pour échanger avec des élèves préparant un diplôme de conducteur d’engins agricoles.
Les élèves (21 et âgés de 16 ans), en majorité des garçons et trois filles accompagnés de leurs deux professeures.
Un peu de stress, en passant au CADA chercher les personnes qui veulent bien témoigner : une rage de dents pour l’un, et un peu de panique pour un autre. Donc, un peu déstabilisée, visites et « recrutement » au sein des espaces communs en urgence. Très gentiment U et H ont accepté, au pied levé de venir. S, lui, étant partant dès le début. Lors du trajet, explications sur le déroulement des interventions et objectifs de ces rencontres : déconstruire des préjugés et à-priori à l’égard des exilés.
La séance a débuté avec notre présentation réciproque, et le pourquoi de notre venue tout en rappelant nos valeurs de respect mutuel (en effet, les enseignantes nous avaient avertis qu’un certain nombre de jeunes pouvaient émettre des réflexions désagréables), puis un diaporama de quelques définitions afin de planter le décor (peut être à revoir car un peu long ?), et les témoignages.
Toujours beaucoup d’émotions et S, a raconté sa fuite d’Afghanistan, le meurtre de son frère par les Talibans. La route effectuée pour arriver en France pendant un an et demi avec la faim et le manque de confort! Les jeunes étaient consternés et écoutaient avec beaucoup d’attention. S a parlé en français et sa volonté d’apprendre le français en quelques mois. Les élèves en sont babas quand ils évoquent leur apprentissage en anglais depuis des années !
H a raconté sa vie « d’avant », propriétaire d’une grande boutique de vêtements à Khartoum (Soudan), et ses voyages en Turquie pour achalander son magasin; sa maison, sa vie de famille, marié et papa ; puis la terreur et la confiscation de ses biens après avoir été battu et blessé. Ses cicatrices sur son visage en sont la preuve explique-t-il. De nouveau, les élèves en sont restés médusés. Son témoignage en anglais a été traduit par les enseignantes et bénévoles, ponctué de précisions en français par H!
U explique, avec une pointe d’humour, que malgré son prénom d’origine allemande, il est Africain du Congo Brazzaville ! Situation professionnelle au sein d’un cabinet comptable, il a raconté son engagement politique et les risques encourus avec ses prises de position : emprisonnement, torture, disparition. Il a bénéficié d’un appui familial pour s’échapper et parvenir en Tunisie, où il a vécu trois années en retrouvant un travail, mais la politique à l’égard des migrants est devenue compliquée, et il a du fuir à nouveau. Arrivé en France depuis quelques mois, il souhaite y construire son avenir. Les élèves écoutent, mais on sent que les enjeux politiques de certains pays les dépassent un peu.
Peu de questions, mais ils sont ébahis que les exilés doivent se débrouiller dans Paris pour leurs papiers. U explique alors, la solidarité existante au sein du CADA entre les différents nationalités, et son accompagnement d’un jeune Afghan dans Paris. Parcours compliqué lorsqu’on ne maîtrise pas le français.
Certains élèves avaient déjà participé à nos échanges dans un autre établissement scolaire les années précédentes, et avec beaucoup de spontanéité et curiosité, ils ont demandé des nouvelles des réfugiés rencontrés. Quand on leur a appris que M n’avait pas obtenu ses papiers, un jeune a exprimé un « oh non pas lui, il était trop bien et sympa ! C’est trop triste »
Malgré les craintes des enseignantes, aucun commentaire désagréable n’a été prononcé, et sur le quiz que nous distribuons , 10 jeunes se disent en pleine réflexion, car ils « ont appris des choses » et trouvent les situations « ça fait de la peine » , 8 sont très satisfaits car ont appris aussi à connaître des exilés , 2 sont en colère, dont 1 envers l’Etat (mais on ne sait pas pourquoi ), 2 n’ont rien notifié sur le quiz ; à noter que 9 aimeraient venir sur le lieu de vie des exilés et les rencontrer !
En deux heures, l’échange est bref et nous ressentons que des questions pourraient surgir avec davantage de temps ou des échanges en plus petits groupes, qui favoriseraient sans aucun doute, une confiance de proximité et donc des dialogues plus riches ? Avec notre expérience de deux années, nous constatons également que les exilés qui viennent plusieurs fois, prennent de l’assurance et s’adaptent au public. Leur témoignage reste toujours poignant et ce sont de forts moments d’émotions pour les unes et les autres. S, après cette rencontre était très affecté. Et on peut se demander si cet « exercice » n’est pas trop violent ? Pour échanger avec « d’anciens », ils expriment effectivement la douleur d’exposer leur parcours mais en même temps se sentent reconnus dans leur identité et souffrance. Toutefois, nous n’avons jamais assisté à de la victimisation et c’est toujours avec beaucoup de pudeur et de décence quand ils « racontent ».
En conclusion, TOUS les élèves ont applaudi en fin de séance et nous ont salués avec de grands sourires à notre départ ! Merci à eux et à leurs professeures !
Un jus de fruit et des petits gâteaux chez Florence ont été les bienvenus pour clôturer notre après-midi !